LE « SLEEP IN »
Dès la première visite du local de la rue Pajol en septembre 1993, l’ensemble des éléments du projet thérapeutique, et leur articulation spatiale étaient immédiatement perceptibles et se sont donc imposés à moi d’emblée :
- L’unicité du bâtiment, son identité, et son autonomie, permettaient d’y installer une activité à « turbulences ».
- Une large séquence de rupture par rapport aux immeubles mitoyens permettait de l’identifier immédiatement depuis la rue.
- Elle permettait aussi d’aménager le rapport à celle-ci : une certaine porosité nécessaire (à travers la grille en bois et son effet de défilement, la cour-jardin, et les murs translucides de la salle commune), sans aller jusqu’à l’ouverture béante et permissive (on n’entre et ne sort pas à toute heure, et la traversée du jardin et de la grille à partir d’une certaine heure font sens).
- L’existence d’une toiture à deux pans abritant une maison (que nous avons rapidement appelée « le pavillon »), offrait un sentiment de généreuse sécurité.
Elle nous dictait ainsi la marche à suivre : la toiture assurait l’étanchéité à l’eau tel un parapluie. Il suffirait de bâtir sous celui-ci les boîtes appelées à recevoir les usagers dans un jeu équivoque sur l’extérieur et l’intérieur. La brigade des Sapeurs Pompiers consultée en cours de mise au point du projet ne s’y est pas trompée : « c’est particulier votre histoire… » - Parallèlement, elle permettait de rétablir la fonction initiale de cour à l’intérieur de la parcelle par la simple dépose de quelques éléments de couverture. Et de retrouver par la même occasion les « éléments » et leurs déroulements : le soleil, le ciel, les nuages, la pluie, le vent, etc… Autant d’éléments d’une réalité sûre pour une population vivant souvent en rupture de celle-ci.
- Cette même cour assurait par son rôle de zone-tampon et son statut neutre, la bonne distance thérapeutique entre les usagers occupant la salle commune et l’hébergement, et l’équipe de soins, installée dans le pavillon. Elle permettait de ne pas « pousser » nécessairement les usagers vers les soins et répondait ainsi au principe de l’hébergement inconditionnel.
Tous les éléments du projet étant présents, il nous a suffit de trouver la réponse formelle adéquate.
S. Tabet
Paris, Mars 1995