LA RÉSIDENTIALISATION DU LOGEMENT SOCIAL À PARIS
PARADOXES ET RETOURNEMENT DES DISCOURS ET DES PRATIQUES DANS LES OPÉRATIONS DE REQUALIFICATION DES GRANDS ENSEMBLES
Les grands ensembles de logements sociaux construits durant les Trente Glorieuses à l’intérieur de Paris et le long de la petite ceinture ont longtemps constitué un « cas à part ». Jusqu’à une date récente, ces grands ensembles n’avaient pas fait l’objet de politiques urbaines spécifiques : leur proximité par rapport à la centralité urbaine, leur accès aux réseaux de transport métropolitains et l’hétérogénéité sociale et économique relative de leur population semblaient les mettre à l’abri des pathologies identifiées dans les quartiers les plus durs de la banlieue parisienne. Par rapport aux embrasements de ces quartiers, les problèmes rencontrés dans les grands ensembles parisiens se rapprochaient trop de la « normalité urbaine » pour mériter un traitement particulier.
Depuis quelques années, cette situation « privilégiée» est progressivement remise en cause : le mal, jusqu’ici cantonné dans les cités de banlieue, semble s’être étendu jusqu’à l’intérieur de Paris. De plus en plus, les organismes bailleurs lancent de vastes opérations de
restructuration urbaine sur des sites pudiquement désignés comme « sensibles ». Ces opérations ne se limitent plus à des travaux de rénovation au sens strict du terme (ravalement des façades, remise aux normes des ensembles bâtis, etc.) mais se fixent des objectifs plus
ambitieux, qui visent à transformer la structure spatiale des lieux. Baptisées opérations de requalification urbaine, elles ont toutes en commun de mettre en avant les motifs sécuritaires et la nécessité de modifier la configuration des quartiers pour remédier aux «dysfonctionnements» qui génèrent les conflits et provoquent l’apparition de phénomènes de violence.
À partir des interrogations quotidiennes des architectes sur la pertinence de certains choix et la validité de certaines décisions, il convient de remettre en cause certains présupposés qui déterminent aujourd’hui les stratégies d’intervention sur les grands ensembles de
logements sociaux : à moins d’adopter sans état d’âme les pratiques anglo-saxonnes de l’espace défensif et des
communautés fermées, il paraît aujourd’hui nécessaire d’amorcer une réflexion sur les effets de l’irruption du
problème de la sécurité sur l’architecture et l’urbanisme et de définir les conditions d’une véritable « requalification urbaine » qui ne soit pas une simple traduction des fantasmes de l’architecture de la peur1.
Requalifier l’espace
Le point de départ des opérations de requalification urbaine du point de vue des organismes bailleurs et gestionnaires est lié à un constat : celui de l’inefficacité des opérations de réhabilitation « classiques » pour empêcher la dégradation progressive du cadre physique et des conditions de vie dans les grands ensembles. A partir de la reconnaissance des limites de la réhabilitation, est apparue la nécessité d’entreprendre des actions plus globales visant à transformer le cadre de vie et à modifier le mode d’organisation spatiale des quartiers.
Le choix d’inscrire ces actions dans le cadre d’opérations dites de « requalification urbaine » indique la nature du message que l’on veut transmettre : il s’agit de passer du quantitatif au qualitatif, d’insuffler de la qualité dans des lieux qui souffrent de ne pas en posséder et de redonner droit de cité à des ensembles hérités, dévalués sous le rapport de leur valeur d’usage et de leur fonction sociale. Plus fondamentalement, il s’agirait d’agir sur les images, les modes de représentation et les charges symboliques attachés à ces lieux.
Les procédures adoptées par les différents organismes parisiens pour mettre en œuvre les stratégies de requalification se déroulent généralement en trois temps. D’abord, l’établissement d’un diagnostic habituellement confié à une équipe pluridisciplinaire
regroupant programmateurs, sociologues et urbanistes.
Ce diagnostic a pour but de récolter les données physiques, spatiales et sociales du quartier, de mettre à jour les problèmes rencontrés par les habitants ainsi que leur perception du mode de fonctionnement et de gestion de l’espace, d’analyser les causes des dysfonctionnements et de proposer les solutions appropriées.
À partir des conclusions de cette première phase, une équipe de maîtrise d’œuvre (regroupant architectes, ingénieurs et éventuellement paysagistes) se voit confier la mission d’établir un projet de requalification urbaine sur l’ensemble de l’opération. Il s’agit en général de transformer l’organisation spatiale du quartier, d’introduire de nouvelles articulations entre espaces publics et privés, et d’intervenir sur le dessin des espaces extérieurs (revêtements de sol, bordures de trottoir, clôtures, mobilier urbain, plantations, éclairage, etc).
La troisième phase est celle de la concertation : le projet est présenté aux associations de locataires pour recueillir leurs remarques et leurs observations et éventuellement introduire des ajustements qui tiennent compte de ces remarques. Cette concertation se fait
généralement à chacun des stades du projet, depuis le diagnostic jusqu’à la réalisation.
Cette procédure immuable, qui s’apparente presque à un rituel, vise à assurer l’adéquation du projet aux
besoins des habitants et des usagers. Une première constatation nous permet cependant de mesurer l’efficacité réelle de ce type de procédure par rapport à l’objectif avoué : l’examen d’un échantillon de rapports de présentation se rapportant à des ensembles urbains
aussi différents que les HBM de la petite ceinture, les grands ensembles des années 50 ou les constructions sur dalles des années 60, montre une similitude troublante dans la définition des problèmes, l’appréciation des dysfonctionnements et les solutions proposées pour
y remédier. Cette indifférenciation par rapport à la diversité des situations n’indique-t-elle pas une tendance à la globalisation des problèmes et un manque d’attention à la spécificité des conditions particulières à chacun des cas étudiés? L’uniformité troublante des
problèmes repérés tout autant que des solutions proposées pour y remédier nous semble indiquer qu’on tend à définir une catégorie homogène (les ensembles de logements sociaux), dotée d’attributs immuables (des espaces indifférenciés propices à toutes sortes de
dérives sociales) qu’il est urgent de requalifier pour les réintégrer dans la norme urbaine.
L’inventaire des dysfonctionnements
La liste des dysfonctionnements relevés dans la majorité des documents examinés paraît à cet égard révélatrice2. L’accent est mis tout d’abord sur le trafic de drogue. Il s’agit presque toujours de drogues douces (haschisch, cannabis). Les ensembles sont d’ailleurs décrits comme des « lieux privilégiés, et gardés, de trafiquants de drogues dites non dures qui sont, de ce fait, relativement protégés contre l’intrusion de celles très nuisantes». La configuration spatiale des ensembles (bâti discontinu, accès multiples, espaces ouverts et
traversables) est elle-même désignée comme étant «à la source du développement de ce trafic, puisqu’elle limite l’efficacité des dispositifs de contrôle et de répression ». Pour quiconque a des enfants scolarisés à Paris, une telle affirmation paraît pour le moins téméraire, tant il est simple aujourd’hui de se procurer du haschisch aux portes des lycées !
Le deuxième problème relevé dans tous les cas est celui de l’insécurité. Bien que les agressions caractérisées semblent y être rares, le sentiment d’insécurité, réel chez les habitants, se focalise en particulier sur certains lieux (les halls, les cages d’escalier, les caves, les
porches, les passages sous immeubles) et à certaines heures de la journée (le soir «après 19 heures, l’hiver et 22 heures, l’été »). Les coupables sont uniformément désignés : «les bandes de jeunes désœuvrés, sans emploi et hors du système scolaire ». Liés à l’insécurité sont relevés les problèmes de bruit, de vandalisme et de dégradation : «les jeunes se regroupent pour discuter, écouter de la musique ou consommer de la bière tard le soir […] ils s’amusent à taguer les cages d’escalier, à lancer des pierres, à défoncer les portes des caves pour les piller». Là aussi, les études de diagnostic imputent à la configuration spatiale des ensembles l’origine du dysfonctionnement (nombreuses entrées et sorties, caves communicantes, présence de lieux propices au regroupement des jeunes, facilité de pénétration par des personnes extérieures, etc.). Il est à noter que, bien que les rapports d’enquête mentionnent l’absence de locaux collectifs,
d’espaces de jeu ou de terrains de sport accessibles aux jeunes dans l’environnement des ensembles analysés, aucune des propositions avancées ne préconise l’aménagement de ce type d’équipements dans le cadre des opérations de requalification urbaine.
Enfin, un certain nombre d’autres problèmes sont listés, en fin de diagnostic, comme pour mémoire : échec scolaire, présence de familles en grande difficulté pécuniaire, concentration de personnes retraitées et isolées, faiblesse du secteur associatif. Mais ces problèmes, brièvement cités au stade de l’analyse, ne sont plus abordés au moment de proposer des solutions : en règle générale, l’accent y est mis sur la seule organisation spatiale, désignée comme étant « à l’origine de la plupart des dysfonctionnements recensés et qui limite
l’efficacité des dispositifs sociaux existants et à développer».
Banaliser les grands ensembles
Les solutions préconisées vont donc se concentrer sur la transformation des formes urbaines : les grands ensembles doivent être restructurés pour les réintégrer dans le tissu parisien traditionnel. Pour résoudre les problèmes de dysfonctionnement qu’ils connaissent, il
faut les «banaliser» et en faire «des quartiers comme les autres ». Cette démarche, qui constitue le point de départ de la plupart des opérations de requalification urbaine entreprises sur les grands ensembles parisiens depuis quelques années, n’est évidemment pas nouvelle en soi. Depuis les années 1970, la critique de l’urbanisme moderne est devenue le leitmotiv de toutes les interventions urbaines dans les sites « à problèmes ».
Déjà, à la suite de Foucault, était dénoncée la «volonté de rationalité appliquée à l’espace né du chaos de la société capitaliste industrielle et visant à assurer le bonheur des hommes, volonté de rationalité devenue action disciplinaire» 3. Espace de transparence dont aucune partie n’échappe à l’œil de l’autre, l’espace de l’urbanisme moderne était décrit comme celui de la surveillance généralisée « qui ne laisse aucune zone d’ombre, aucun endroit où le surveillant lui-même ne soit à l’abri du regard de son chef » 4.
Les grands ensembles apparaissaient alors comme le produit le plus achevé de ce mode de domination disciplinaire. «Espace du vide, du contrôle social ou policier, le grand ensemble est incapable d’abriter les secrets de la vie urbaine […] C’est le degré zéro du territoire constitué et, à l’inverse, le terrain tactique idéal des forces régulières […] Une émeute dans un grand ensemble n’a aucune chance de se maintenir face à une troupe professionnelle : sa seule issue serait de se porter vers le centre ancien de la ville où elle se trouverait en terrain favorable» 5. Pour les apprentis Engels de l’après-mai 68, le terrain idéal pour les révolutionnaires, c’était encore… le Quartier Latin.
Il fallait donc en finir avec les grands ensembles pour retrouver la ville. Il fallait revenir aux rues, aux places, aux îlots, à ces formes urbaines tant décriées par l’urbanisme moderne. Face aux « machineries disciplinaires » qui tirent leur efficace d’un rapport entre des procédures et l’espace qu’elles aménagent, seuls «l’espace urbain vécu», les «pratiques quotidiennes», la « familiarité de la ville » opposeraient une résistance « multiforme, rusée et têtue » qui s’insinuerait dans les réseaux de surveillance et permettrait « d’échapper à la
discipline au cœur même du champ où elle s’exerce» 6. La crise des années 80 et l’embrasement des banlieues a offert à ces critiques un nouveau cheval de bataille. L’urbanisme moderne ne serait pas seulement disciplinaire, il serait aussi «paranoïaque, pathogène et
criminogène ». « Civilisation urbaine ou barbarie ! » pouvait s’écrier Roland Castro en lançant Banlieues 89. Face aux déchirures du tissu social et spatial, face à la ségrégation, à l’exclusion et à la déshérence, le retour à l’urbanité semblait le seul remède efficace. Les grands
ensembles devaient être «remis en urbanité […] par un travail sur les coutures, les sutures, l’identification des lieux sans identité, leur réanimation, leur désenclavement, leur embellissement, leur complexification » 7. La boucle était bouclée. La requalification urbaine
pouvait commencer.
Du désenclavement à la sectorisation
La planification urbaine est le terrain privilégié des oublis collectifs, rappelait Léo Scheer il y a quelques années8. Avec l’irruption de la demande sécuritaire et la pression croissante qu’elle exerce sur la gestion de l’espace, le discours critique sur l’urbanisme moderne change de sens. Déjà, en 1972, un petit livre publié aux États-Unis9 annonçait la couleur : reprochant à l’urbanisme moderne son incapacité à offrir des territoires clairement délimités, il appelait à créer, en réaction, des « espaces défensibles » pour prévenir l’insécurité et le crime. Contrairement aux émules de Foucault qui dénonçaient la norme disciplinaire, contrairement à ceux de Kevin Lynch qui réclamaient des environnements plus «lisibles», les tenants de l’espace «défensible» proposent de remplacer l’espace ouvert de l’urbanisme moderne par une architecture de murs, de barrières, de caméras, de vigiles et de communautés fermées. Retournement du discours : la fluidité et la transparence de l’espace moderne ne sont plus considérées comme des moyens de contrôle social ou policier, de mise en visibilité des individus ou de normalisation des conduites. Elles sont perçues au contraire comme des formes spatiales permissives qui autorisent les déplacements incontrôlés et les pratiques sauvages, favorisent la déviance et l’insécurité et empêchent la mise en place des dispositifs de dissuasion et de répression.
On connaît la fortune de ces idées outre-atlantique : l’apparition des gated communities et leur multiplication, que ce soit sous la forme d’enclaves de la richesse et du pouvoir ou de clôtures protectrices dans les « zones de sécurité » vont permettre le développement
d’une « mentalité de forteresse » 10 où les citoyens se divisent en cellules indépendantes et homogènes et tendent à se « libérer », des services publics, pour créer leurs propres dispositifs de gestion et de sécurité.
Certes, les traditions françaises, marquées par la conception républicaine de l’État et le rôle historique des services publics, paraissent réfractaires à ce type d’évolution. Mais l’influence des expériences anglosaxonnes et leur succès relatif dans la lutte contre la délinquance ne pouvaient pas laisser insensibles experts et hommes politiques, confrontés à une demande croissante de sécurité.
Un glissement de sens va donc s’opérer de façon progressive dans le langage de la requalification urbaine. Au départ, on parlait de «recoudre» les grands ensembles à la ville, de «rétablir la continuité urbaine» mise à mal par les saignées de l’urbanisme moderne. On insistait sur la nécessité de « hiérarchiser les espaces », d’en définir le statut en différenciant les espaces publics des espaces privés. Dans cette logique qui vise à « atténuer la rupture entre l’architecture et la ville », la primauté était accordée au dessin des espaces publics, au tracé des voies qui devaient mailler le territoire des grands ensembles et assurer leur liaison avec le tissu environnant. Le discours dominant était celui du «désenclavement» qui devait permettre de «faire pénétrer la ville au cœur du grand ensemble ».
La pression de la demande sécuritaire va inverser l’ordre des priorités. On parlera toujours de différencier le statut des espaces, mais cette fois l’accent sera mis sur la délimitation des espaces privés. Du concept de « désenclavement », on passera à la notion de « sectorisation ». Les opérations de requalification lancées ces dernières années sur les grands ensembles parisiens vont ainsi obéir à une logique de découpage qui vise à isoler chaque bâtiment (et parfois chaque portion de bâtiment) derrière une enceinte protégée. Si on se réfère toujours au tissu urbain traditionnel, c’est pour reconstituer le modèle de « l’immeuble parisien, avec ses accès contrôlés, ses espaces intérieurs clos et protégés, réservés à ses seuls occupants ». Comme l’exprime clairement l’un des responsables d’un organisme bailleur, il s’agit d’arriver à une situation où tout intrus se verra naturellement poser la question : « Vous cherchez quelqu’un»?
L’espace public comme résidu
Certes, on parle toujours de remailler le territoire par des traversées publiques. Mais ces traversées se voient assigner comme fonction principale celle de limiter et de canaliser la circulation, et surtout celle d’assurer la desserte des véhicules de lutte contre l’incendie. L’espace public apparaît alors comme un résidu du découpage de l’ensemble en unités autonomes. C’est la logique de la sectorisation qui domine et le tracé des rues se présente comme un type subordonné, dont les occurrences sont souvent distordues ou adaptées jusqu’au bricolage : rues qui ne s’inscrivent pas dans la continuité du réseau viaire, dont le tracé est commandé par le système de clôtures et qui ne correspondent à aucun des parcours les plus fréquentés (vers l’école ou vers le supermarché).
Rues- «boyaux » qui ne donnent accès à aucune parcelle, bordées de murs et de grilles closes où la seule ouverture possible est celle des portails occasionnellement utilisés par les véhicules des pompiers. Laissées-pour-compte d’une logique de découpage qui n’obéit qu’à des impératifs sécuritaires, ces «rues» ont vocation à devenir des lieux sinistres où personne ne viendra jamais flâner ou rêver, des bouts d’espace inutiles qui semblent n’être rétrocédés par les organismes bailleurs au domaine public que pour leur éviter d’avoir à en assurer la gestion et l’entretien.
La même logique qui commande la relégation de l’espace public commande aussi la gestion des usages : il s’agit de « neutraliser les lieux qui peuvent servir de points de rassemblement ou de regroupement pour les jeunes ». Ainsi, seront bouchés les passages sous porches, condamnés les pilotis qui assuraient une transparence à travers les espaces intérieurs, supprimée la souplesse de communication entre les différentes entités, et rendue impossible toute fluidité de parcours.
Sous prétexte de ne pas créer des lieux qui permettent les rassemblements «sauvages», on refusera par exemple la transformation d’un parking désaffecté en terrain de basket, ou la création d’une place publique à l’occasion d’une traversée piétonne. En voulant exclure
les usages incontrôlés et bannir tout espace qui porte en lui des germes de déviance, cette logique aboutit finalement à reproduire les pires excès de cet urbanisme moderne qu’elle prétendait corriger.
Nous voilà donc revenus à Foucault. «L’espace disciplinaire tend à diviser en autant de parcelles qu’il y a de corps ou d’éléments à répartir. Il vise à annuler les effets des répartitions indécises, la disparition incontrôlée des individus, leur circulation diffuse, leur coagulation inutilisable et dangereuse. La discipline organise un espace analytique» 11. En s’imposant comme paramètre unique de l’aménagement, la demande sécuritaire transmet l’image d’une ville menaçante, source potentielle de violences et de pratiques incontrôlées. Sous la pression
de cette demande, la démarche qui visait à «dissoudre» les grands ensembles dans la ville finit par se barricader contre la ville. En reproduisant la logique nivelante du fonctionnalisme le plus dur, qui assigne à chaque espace une fonction distincte (espace à habiter, espace à circuler, espace de défense contre l’incendie) cette logique constitue en soi une négation de l’urbanité. En excluant de l’aménagement toute notion d’imprévisibilité et de plaisir, elle risque de rendre impossible toute véritable entreprise de requalification urbaine.
Des grands ensembles aux résidences
Pour expliquer les objectifs de la sectorisation, experts et gestionnaires parlent de la création de « résidences » indépendantes. Dans un contexte de logements sociaux, cette référence à un modèle bourgeois fortement connoté peut paraître paradoxale. Elle nous semble pourtant exprimer une volonté double. D’une part, celle de rassurer et d’écarter les appréhensions et les images négatives liées au sentiment d’enfermement derrière des murs et des clôtures (quoi de plus rassurant en effet que le terme de « résidences » qui évoque ces
lieux calmes et protégés à l’usage des convalescents et des personnes âgées?). Mais aussi, la volonté de revaloriser l’image dévaluée du logement social en pro-posant une terminologie généralement associée au luxe et à la richesse (résidences privées, résidences cossues, etc.). Passer de l’image de la « cité » à celle des «résidences» apparaît symboliquement comme une promesse de promotion sociale. Dans de nombreuses opérations, de réels efforts sont d’ailleurs entrepris pour améliorer le cadre de vie, tant par la qualité des aménagements proposés que par la diversité des moyens employés pour adoucir la dureté d’environnements souvent ingrats. Mais les recherches architecturales et les considérations esthétiques ne suffisent pas pour résoudre le paradoxe d’un modèle bon chic – bon genre, plaqué sur une réalité qui lui est totalement étrangère. En témoigne la réaction unanime des gardiens, consultés à l’occasion d’une des opérations de requalification entreprise dans un grand ensemble du Nord de Paris : «ce qui compte surtout, c’est que vous nous verrouilliez tout ça, Monsieur l’architecte. Aujourd’hui, c’est une vraie passoire, et les gens vont et viennent à leur aise en foutant le bordel. Ici, on n’est pas
dans le XVIe. Il faut monter des murs solides pour qu’ils ne puissent plus faire leurs cochonneries partout!».
De fait, si le modèle des résidences a du mal à coller à la réalité, c’est qu’il fait abstraction des contradic-tions à l’œuvre dans les terrains qu’il se propose de transformer. Les résistances auxquelles se heurte la mise en œuvre des projets de requalification inspirés par ce
modèle permettent de mesurer l’adéquation de la démarche par rapport aux objectifs qu’elle s’assigne.
Résistance des «jeunes», bien évidemment, qui s’exprime, dès le démarrage des chantiers, par des réactions violentes qui vont de l’insulte et des agressions verbales en direction des ouvriers, à la casse des installations et la « fauche » du matériel. Il serait simple de conclure, comme le font parfois certains gestionnaires, que ces réactions ne sont que l’expression d’un refus par les « bandes organisées » de dispositifs destinés à leur « faucher l’herbe sous les pieds » en réduisant leur marge de manœuvre.
Comment expliquer alors le caractère diffus de ces résistances, le fait qu’elles sont généralement l’œuvre de très jeunes adolescents et parfois même d’enfants, et qu’elles prennent souvent un caractère ludique ? Ne faut-il pas y voir plutôt le signe que les réponses proposées, qui aboutissent à effacer tous les repères spatiaux permettant aux jeunes de s’identifier au quartier, sont décodées par cette population en termes d’abandon et de répression? En voulant réduire les risques par la suppression des lieux où les jeunes pouvaient se rencontrer et s’exprimer, ne crée-t-on pas les conditions d’une recrudescence des comportements anti-sociaux?
Mais les résistances à la « sectorisation » ne se limitent pas à ce type de réactions. Au cours des réunions de concertation avec les associations de locataires, de nombreuses réticences apparaissent, qui s’expriment sous des formes différentes. Il y a bien sûr la méfiance
naturelle par rapport à toute initiative qui implique un changement dans les habitudes : telle vieille dame qui ne comprend pas pourquoi elle doit modifier le trajet qu’elle emprunte tous les matins pour aller chez sa boulangère, ou telle mère de famille qui rechigne à
faire le tour de l’îlot pour accompagner ses enfants à la maternelle. Il y a aussi ceux qui s’inquiètent des conséquences du projet sur les rapports de voisinage : «de ce côté-ci, on est bien entre nous, ce n’est pas la peine de nous sectoriser. Est-ce que les trois immeubles sur la
rue […] ne pourraient pas faire partie de la même résidence?» Il y a même ceux qui osent contester le principe de la sectorisation : «on a de beaux espaces ouverts avec des arbres magnifiques où tout le monde peut accéder. On va nous enfermer comme des troupeaux
de moutons et on finira par crever chacun chez soi ».
Les doutes et les hésitations apparaissent également chez les gestionnaires et les responsables des projets : tel responsable d’agence qui reconnaît que « c’est dommage, on est peut-être en train de trop figer les choses, mais on n’a pas le choix : sécurité oblige». Même son de cloche chez les techniciens : «pour nous, architectes, ce qu’on fait là est une hérésie, mais peut-être qu’aujourd’hui la société ne peut plus tolérer des espaces ouverts». Il faut donc admettre que des résistances persistent à s’exprimer chez tous les acteurs concernés, malgré les diagnostics préalables et les concertations suivies. Comment comprendre alors que, malgré ces résistances, les mêmes solutions se généralisent dans les grands ensembles parisiens et s’imposent aujourd’hui comme une évidence (« on n’a pas le choix ») dans les opérations de requalification des logements sociaux ?
Les formes spatiales de l’incivilité
Pour répondre à cette question, il faudrait peut-être commencer par définir la logique sous-jacente qui détermine « l’évidence » de ces solutions en les présentant comme des réponses «inévitables» à des situations de terrain qui s’imposent dans les mêmes termes à tous
les acteurs. Cela conduit à questionner la nature de la demande sécuritaire qui se trouve à l’origine de la démarche adoptée dans les opérations que nous avons pu connaître.
Une première constatation permet de dire que, dans la majorité des cas, il ne s’agit pas de répondre à des situations d’agressions graves répétées, encore moins de troubles importants pouvant mettre en danger l’ordre public. De ce point de vue, la situation des grands
ensembles parisiens semble être à l’abri des dérives qui menacent les cités de la périphérie. Est-ce à dire qu’ils forment des quartiers tranquilles où il fait bon vivre? Ce n’est évidemment pas le cas, et l’irruption du crack dont la consommation augmente depuis quelques
années risque d’y rendre la vie encore plus difficile.
Mais tout semble indiquer que le sentiment d’insécurité ne s’alimente pas principalement aux violences caractérisées ou à la franche criminalité. Ce qui est en cause, ce sont plutôt des «écarts de conduite», des «ruptures de l’ordre» dans la quotidienneté, une agressivité ordinaire, ce que l’on a pu appeler des «incivilités» 12, qui viennent empoisonner la vie de tous les jours.
Si ces incivilités n’ont généralement pas de définition juridique précise (lorsque le Code Pénal s’en soucie, elles sont considérées comme des délits bénins), elles n’en ont pas moins des effets pervers à long terme, puisqu’elles constituent une notion sociologique qui renvoie aux perceptions et aux représentations des gens : les incivilités sont considérées comme des menaces, parce qu’elles remettent en cause un certain nombre de codes, de valeurs, de repères qui incarnent l’adhésion quotidienne à une collectivité. Dans les exemples que nous avons pu connaître, elles semblent exprimer une cohabitation difficile entre deux mondes : celui des personnes âgées, chômeurs ou retraités, qui se sentent souvent « captives » d’un environnement qui ne présente plus aucun attrait à leurs yeux (et qui ne rêvent que de finir leur vie dans un pavillon de banlieue ou dans une maison à la campagne) et celui des jeunes, souvent d’origine immigrée (blacks ou beurs) qui veulent profiter au maximum d’une société de consommation13 dont ils se sentent exclus.
La deuxième constatation que l’on peut faire, c’est le décalage entre la perception sécuritaire et la réalité des situations quotidiennes sur le terrain. Quel peut être l’origine de ce sentiment aigu d’insécurité que nous avons pu constater chez les acteurs et les habitants14 alors qu’on se trouve à Paris, à deux pas de quartiers « ordinaires » souvent habités par des personnes aisées ?
Il faudrait peut-être relier ce sentiment à l’image généralement accolée aux logements sociaux (et plus particulièrement aux ensembles de tours et de barres) qui donne aux habitants l’impression d’appartenir à un environnement sans cesse menacé, exposé à toutes sortes de dérives. Leurs représentations ne se fondent plus seulement sur leur propre expérience, mais sont largement infiltrées par les discours tenus sur ces quartiers et sur leurs occupants. Ne touche-t-on pas là, d’ailleurs, aux limites de la concertation ?
Mal-être collectif aux contours imprécis, le sentiment d’insécurité s’alimente à des sources multiples : précarité économique, perte de repères, mutation de la sociabilité urbaine. Mais en marge des attitudes de repli et d’exclusion, ce sentiment est corrélatif d’une
volonté de délimiter une image de soi qui puisse être acceptable et contribue à maintenir ou à redéfinir sa propre identité. La « sectorisation » répond d’ailleurs sur ce point à une demande double exprimée par les habitants : celle d’assurer leur protection contre « les bandes venues de l’extérieur » qui risquent de reproduire chez eux les images vues à la télévision15 et celle de leur offrir, à travers le modèle des «résidences», une alternative qui leur permette de s’identifier à une image sociale positivement connotée.
Le piège du formalisme
Au-delà d’une réaction immédiate à ce malaise aux contours indéfinis, il semble difficile de trouver des solutions radicales à la multiplication des incivilités, du fait de leur caractère flou et imprécis. Il ne semble pas plus évident de traiter localement le sentiment d’insécurité, qui nécessite forcément une approche plus globale. Ne maîtrisant ni les conditions générales qui favorisent le développement des incivilités, ni celles qui produisent la demande sécuritaire, l’action des responsables et des experts tend à se rabattre sur l’aménagement du cadre physique et l’organisation de l’espace.
Le point de départ de cette démarche consiste à considérer les formes architecturales et urbaines comme des éléments autonomes qui, par leur logique propre, contribuent à modifier les pratiques sociales : en redécoupant le territoire, en recréant des îlots et des parcelles en lieu et place des espaces ouverts de l’urbanisme moderne, on espère résoudre les problèmes de fonctionnement qui génèrent insécurité et violence.
Cette approche soulève pourtant un certain nombre de questions méthodologiques. La première de ces questions concerne la pertinence
d’une démarche qui prétend résoudre les problèmes de pratiques et d’usages sociaux en les réduisant à une question de forme. Déjà, il y a une dizaine d’années, l’un des pionniers de «l’architecture urbaine» 16 mettait en garde contre la « récupération formaliste » qui produit un «fétichisme de l’îlot réduit à une forme […] et censé produire à coup sûr de l’urbain». On est conduit à s’interroger sur l’efficacité d’une intervention qui s’autorise à « plaquer » des formes inspirées d’un système de découpage traditionnel sur un site urbanisé, habité par des pratiques qui se sont constituées en rapport avec l’espace bâti.
La superposition d’un modèle formel assimilé à un espace urbain moyen de référence sur un espace déjà constitué, pose en soi problème. Ce problème devient encore plus complexe lorsque l’on a affaire à un espace « moderne » dont la cohérence interne semble être à
l’extrême opposé du système qu’on veut lui imposer. Là où il faudrait imaginer des solutions différenciées, adaptées à chaque particularité des sites, on risque de se retrouver face à une réponse unifiante, stéréotypée, puisque tirant sa légitimité d’un modèle « extérieur »,
en rupture avec les qualités spatiales d’origine17. Au lieu de s’appuyer sur les potentialités des espaces existants pour créer des lieux capables d’être appropriés par les habitants, on finit par imposer un schéma abstrait, forcément réducteur.
Ce risque «d’inadaptation» du modèle par rapport à la réalité des situations concrètes permet d’expliquer certaines incohérences relevées dans les opérations de requalification entreprises depuis quelques années. Transformer des tours et des barres en îlots n’est pas
chose simple, et lorsque le tracé des voies est imposé par les contraintes d’implantation des bâtiments existants et la logique des clôtures, on risque d’aboutir à des acrobaties, où les figures projetées ne correspondent ni à un système d’organisation du tissu urbain, ni
à des pratiques spatiales cohérentes18. Faut-il rappeler que le tracé d’une rue n’est pas seulement un acte de composition architecturale, mais un mode d’organisation de l’espace qui introduit un certain type de rapports entre espace public et espace privé, et qui se lit en
relation avec la continuité du réseau viaire ? Un tissu urbain peut-il s’inscrire à bâtons rompus?
La question du sens
La deuxième interrogation concerne la notion même de requalification telle qu’elle est utilisée dans le domaine de l’habitat social.
Requalifier un quartier, c’est intervenir sur un patrimoine bâti considéré comme l’expression d’une culture19. Or un ensemble urbain est un « objet doté de sens », parce qu’il est aussi un objet social construit, habité, vécu, par tel ou tel type de personnes. Quand la requalification se positionne d’emblée dans un rejet du territoire sur lequel elle intervient (trop vite assimilé au stéréotype de « l’architecture inhumaine des grands ensembles »), elle ne se contente pas de passer à côté des potentialités architecturales ou spatiales des lieux.
Elle exprime en réalité un «déni de patrimonialité», de l’habitat social, qui est en même temps un déni de l’identité et de la dignité de ceux qui y habitent. Est-ce vraiment en transformant les ensembles de logements sociaux en pseudorésidences qu’on peut espérer «réparer les erreurs du passé» et redonner droit de cité à un monde architecturalement et socialement dévalorisé ?
Comment a-t-on pu glisser d’un discours sur l’intégration des grands ensembles à la ville, vers la création d’entités isolées qui se referment sur elles-mêmes ? Serait-ce que le modèle de ville auquel on rêvait de s’intégrer est celui de la ville petite bourgeoise, succession de parcelles alignées où les grands ensembles de logements sociaux paraissent totalement anachroniques ? 20
Mais cette conception frileuse, qui s’appuie sur un modèle urbain obsolète, ne peut aboutir qu’à la reproduction de formes urbaines figées. Elle conduit à mettre en sommeil la réflexion sur les conditions d’une véritable requalification du logement social qui soit à nouveau porteuse de « sens » et qui lui permette de retrouver sa dignité. Une requalification qui prendrait appui sur la mémoire des habitants, sur l’histoire des générations qui s’y sont succédé, pour créer des lieux capables de susciter des relations, des lieux où pourraient se reconnaître, dans leurs différences, ceux qui y vivent aujourd’hui.
Requalifier la ville
La dernière remarque concerne le devenir des opérations de requalification urbaine? Comme le faisait remarquer Daniel Béhar, il y a quelques années21, les difficultés des grands ensembles de logements sociaux « ne tiennent pas à l’accumulation en leur sein de pathologies ou de handicaps endogènes […] qu’il s’agirait de réduire ou de diluer. Elles ne constituent que le révélateur le plus visible de processus de recomposition plus globaux, complexes et souterrains, qui affectent l’ensemble de la ville et trouvent là, en raison de la fragilité de ces quartiers, un espace de représentation ». La requalification des grands ensembles pose donc le problème du contenu et de la fonction du modèle urbain qui inspire les experts, les gestionnaires et les politiques de la ville. Pour que cette requalification ne se termine pas par la création d’entités isolées, «sécurisées » peut-être, mais célibataires, il faudrait l’intégrer dans une démarche plus globale qui vise à décloisonner la ville dans son ensemble, à rétablir la fluidité et la porosité de l’espace urbain et à imaginer les formes spatiales nouvelles de l’hospitalité. A défaut, les opérations de requalification urbaine ne feraient qu’apporter des réponses temporaires qui risquent d’être remises en cause à la moindre évolution des données spatiales et sociales22. C’est bien cette appréhension qu’exprime le constat désabusé d’un gestionnaire, inquiet du caractère fragmentaire des opérations et de leur manque d’intégration à une démarche urbaine plus globale : «de toutes façons, quoi qu’on fasse, je ne sais pas si ça servira à grand chose. On a beau poser des clôtures, ils finissent toujours par passer. On installe des digicodes partout, il y a toujours des malins qui s’arrangent pour se procurer des passes PTT ou pour couper les fils d’alimentation électriques.
Pour arriver à tout sécuriser, il faudrait construire des murs de prison! Alors on fait et on refait, continuellement. Tout ce qu’on se dit, c’est qu’un jour, ils en auront assez et iront voir ailleurs. Finalement, on ne résoud pas les problèmes, on ne fait que les déplacer!».
1. Nan Ellin ed., Architecture of fear, New York, Princeton Architectural Press, 1977.
2. Il s’agit d’études de diagnostic et de rapports de présentation relatifs à diverses opérations de requalification urbaine d’ensembles de logements sociaux parisiens. Les citations entre guillemets dans cette partie de l’article sont tirées de ces rapports.
3. Jacques Dreyfus, La ville disciplinaire, Paris, Galilée, 1976.
4. François d’Arcy, in : Prendre la ville, esquisse d’une histoire de l’urbanisme d’état, Paris, éditions Anthropos, 1977, page 428
5. Laurent Charré, « Formes de guerres, formes de villes », Lumières de la ville, n° 3, 1991, page 41.
6. Michel de Certeau, «Pratiques d’espaces, la ville métaphorique», Traverses, n° 9, 1977, page 7.
7. Roland Castro, « Du droit à la ville au droit à la beauté », Lumières de la ville, n° 1, 1990, page 8.
8. Léo Scheer, « L’impossible interdit », in : Prendre la ville, op. cité, 1977, page 9.
9. Oscar Newman, Defensible space, aime prevention through urban design, New York, Mac Millan, 1972.
10. Peter Marcuse, « Walls of fear and walls of support », in : Architecture of fear, 1997, op. cit.
11. Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.
12. Sébastien Roche, La société incivile, Paris, Seuil, 1996.
13. On peut se demander lequel de ces deux mondes est le mieux « intégré » aux valeurs portées par le système économique et politique dominant en France aujourd’hui !
14. Dans le discours des habitants, les crimes et les délits ont une récurrence moins forte qui correspond d’ailleurs à leur occurrence plus rare dans la vie ordinaire. Ce qui marque profondément les gens, c’est ce qu’on pourrait appeler un « état d’incivilité endémique » qui se manifeste durablement aux yeux de tous.
15. Les propos des gardiens et des îlotiers poussent à s’interroger sur l’efficacité de cette protection : si des personnes extérieures sont souvent associées aux diverses formes de trafic, «rien ne peut être fait sans complicités locales : le ver est dans le fruit »
16. Philippe Panerai, «L’étude pratique des plans de ville», Villes en parallèle, n° 12/13, 1988, page 105.
17. Cette critique a été soulevée dans un rapport publié il y a quelques années par la Documentation Francaise : « La réhabilitation de l’habitat social », rapport d’évaluation, La Documentation Française, 1993.
18. Nous avons déjà soulevé ce problème par rapport aux rues «boyaux» qui ne donnent accès à aucune parcelle et aux fragments de tracés qui ne s’inscrivent pas dans la continuité du réseau viaire.
19. Voir à ce sujet : André Micoud et Jacques Roux, «. L’architecture en procès de réhabilitation », Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 72, 1996, pages 136-143.
20. Ce refus des grandes opérations de logement social est de plus en plus perceptible chez certains politiques et décideurs parisiens. Sous prétexte de ne pas accumuler les quartiers « à problèmes », même les mairies de gauche nouvellement élues en appellent à une dilution du logement social dans des micro-opérations parsemées à travers le tissu diffus. Bien qu’elle permette souvent d’introduire une certaine dose de mixité sociale, une telle stratégie ne peut tenir lieu de politique urbaine. A terme, elle ne ferait qu’accélérer le phénomène d’embourgeoisement de Paris, par le rejet de couches sociales de plus en plus larges vers la périphérie.
21. Daniel Béhar, « Banlieues ghettos, quartiers populaires ou ville éclatée », Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 68/69, 1995, pages 6-14.
22. Tous les gestionnaires insistent aujourd’hui sur l’importance de la généralisation des téléphones portables sur la modification des comportements. Cette véritable révolution technique apporte une mobilité extrême du trafic et aboutit à la déterritorialisation progressive du phénomène de « bandes ». Les réponses basées sur la sectorisation risquent dès lors d’être vite dépassées
AU RISQUE DES ESPACES PUBLICS 155
Les Annales de la Recherche Urbaine n° 83-84, 0180-930-IX-99/83-84/p. 155-163 © METL.
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La résidentialisation du logement social/Tabet